Travaux Dirigés de Droit des Contrats Licence II - Groupe A

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1 - La formation du contrat
2 - La formation du contrat (suite)
3 - La preparation du contrat definitif
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FACULTE DE DROIT, DES SCIENCES POLITIQUES, ECONOMIQUES ET DE GESTION
Université de Nice-Sophia Antipolis
 
 
ANNEE UNIVERSITAIRE : 2011/2012
ANNEES D’ETUDES : LICENCE II - GROUPE
MATIERE : DROIT DES CONTRATS
 
PROFESSEUR : Monsieur le Professeur Yves STRICKLER
CHARGEES DE TRAVAUX DIRIGES : Hania KASSOUL ; Katia POTEMKINA
 
Séance n° 2
La formation du contrat
La rencontre des volontés
 
ð OBJECTIFS
L’étudiant devra savoir échanger sur :
- l’offre et l’acceptation
- les contrats à distance
La séance visera à reprendre la méthodologie du commentaire d’arrêt, puis à l’appliquer au travers d’un exercice préparé chez soi et en bibliothèque, à l’aide du cours et de manuels.
 
 
ð EXERCICE
Commentaire d’arrêt :
Commentaire sur le thème du silence et le contrat :
Arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation, 10 mai 2011, n° 10-16052 (p. 2)
 
 
ð CONTENU DE LA PLAQUETTE
è        METHODOLOGIE (p. 3-5)
            ! Le commentaire d’arrêt (p. 3)
            ! La fiche d’arrêt (p. 4)
            ! La technique de cassation (p. 5)
è        DISPOSITIONS DU CODE CIVIL (p. 6)
èTHEORIE (p. 7-8)
Le consentement en tant que rencontre des volontés (p. 7)
Le silence ne vaut en principe pas acceptation (p. 7)
ƒAbus du destinataire de l’offre : le silence prolongé (p. 8)
èNOTIONS (p. 8)
La notion d’offre et la notion d’acceptation (p.8)
L’interdiction de refus de vente au consommateur (p. 8)
 
è        OUTILS COMPLEMENTAIRES (p. 9-10)
ü Arrêt de la Chambre civile de la Cour de Cassation du 25 mai 1870 (p. 9)
            ü Arrêt de la 1° Chambre civile de la Cour de cassation, 1re Chambre civile, du 4 juin 2009, pourvoi n° 08-14.481, Bull. civ. I, n° 113 (p. 10)


è
 EXERCICE                                                                                                      
 
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 10 mai 2011
N° de pourvoi: 10-16052
Non publié au bulletin Cassation

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :    
Vu l'article 1134 du code civil ;           
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par contrat du 14 février 2004 la société Open locations (le bailleur) a donné en location un camion tracteur à la société M transports logistique (le locataire) pour une durée de trois ans allant du 14 février 2004 au 13 février 2007 ; que ce contrat comportait en annexe un document intitulé «convention d'engagement de rachat du véhicule» aux termes duquel le locataire s'engageait à acheter le véhicule à l'expiration de la période de location pour un certain prix ; que par fax du 20 février 2007, le bailleur, invoquant la fin du contrat de location, a exigé la restitution du véhicule, et n'a accepté de le vendre qu'à un prix supérieur ; que par lettre du 21 février 2007, le locataire a adressé au bailleur, qui l'a refusé, un chèque correspondant au prix de rachat du véhicule tel que fixé dans l'annexe au contrat ;

Attendu que, pour ordonner au locataire de restituer le véhicule et le condamner à payer au bailleur l'indemnité mensuelle jusqu'à la restitution du véhicule, l'arrêt relève que le contrat de location comporte en annexe un document établi par le bailleur intitulé "convention d'engagement de rachat de véhicule" prévoyant qu'à l'expiration de la période de location le locataire s'engage à acheter le matériel pour 7 622,45 euros ; qu'il retient que ce document, non signé par le locataire et non retourné au bailleur durant la période de location, soit du 14 février 2004 au 13 février 2007, ne vaut pas vente parfaite, car il y manque la volonté de l'acquéreur, celle-ci ne pouvant se déduire de la seule conservation du véhicule durant huit jours après l'expiration du contrat de location ; qu'il ajoute que ce document doit être analysé comme une offre faite par le bailleur au locataire de vendre le camion tracteur en fin de location au prix de 7 622,45 euros ; qu'il précise que cette offre pouvait être retirée à tout moment tant que le locataire ne l'avait pas acceptée car le bailleur ne s'était pas engagé sur un certain délai à la maintenir, et que ce dernier avait donc toute latitude pour la retirer le 20 février 2007 dès lors qu'avant cette date le locataire n'avait pas encore notifié son intention d'acquérir le véhicule ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si eu égard aux relations antérieures entre les parties, le silence gardé par le locataire jusqu'à sa lettre du 21 février 2007 ne valait pas déjà acceptation de l'offre de vente au prix fixé dans la convention de rachat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;   

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :      

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 janvier 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers, autrement composée ;

Condamne la société Open locations aux dépens ;      
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Open locations à payer à la société M Transports logistique la somme de 2 500 euros ;   
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;    

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix mai deux mille onze.


è
 METHODOLOGIE                                                                                         
 
COMMENTAIRE D’ARRET
 
!Au brouillon:

*Lire l'arrêt plusieurs fois pour s'assurer de bien compris la décision

*Repérer le type de décision selon la juridiction qui la rend
  • Rejet ou cassation pour la Cour de cassation / arrêt confirmatif ou infirmatif pour la Cour d'appel
  • Arrêt de principe?
* Repérer la matière concernée
* Faire la fiche d'arrêt pour bien comprendre les faits (V. page suivante)
* Mettre en valeur le SENS, la VALEUR et la PORTEE de la décision
  • SENS: explication de la décision
  • VALEUR: intérêt de la décision en droit positif, nouveauté? Revirement? Fondement juridique?
  • PORTEE: Conséquences de l'arrêt dans le futur? Hypothèse? Critique?
*Définir les mots clefs de l'arrêt
*Chercher une problématique
* Elaborer un plan



!Rédaction de l'introduction:

L'introduction d'un commentaire d'arrêt est stéréotypée. Elle comporte des étapes successives.

* Poser le problème de droit, et présenter l'arrêt (date, formation juridiction)

*Introduire en quelques lignes le contexte de l'arrêt (ne pas disserter!)

*Exposer les faits (clairement, juridiquement et synthétiquement: sélectionner l'essentiel)

*Rappeler la procédure (si elle apparaît)

* Thèses en présence:
  • Dans un jugement de première instance: demandeur contre défendeur
  • Dans un arrêt de cour d'appel: exposer la solution rendue par les premiers juges, puis les arguments de l'appelant et de l'intimé
  • Dans un arrêt de Cour de cassation: faire état de la solution de la cour d'appel, puis des moyens.

* Exposer la solution de l'arrêt
* Mise en évidence de la problématique
* Annonce du plan (L'annonce de plan doit correspondre EXACTEMENT aux termes de vos titres).
 


è METHODOLOGIE                                                                                         

 
LA FICHE D’ARRET
 
La préparation du commentaire d’arrêt nécessite l’établissement d’une fiche d’arrêt :
 
Faits : Rappel juridique, simple, chronologique et bref des faits.
 
Procédure :Depuis la première instance jusqu’en cassation, il faut retracer le parcours de l’affaire.
 
Thèses en présence :Ce sont les thèses que soutiennent les parties pour défendre leurs intérêts.
 
Motifs :Les arguments juridiques de la Cour de Cassation. Il est possible de citer le texte visé par l’arrêt et ce sur quoi il se fonde. Attention à ne pas recopier l’arrêt !
 
Problème de droit :C’est la question à laquelle doit répondre la Cour de Cassation, elle est simple et sous forme interrogative. Se servir de l’attendu.
 
Problématique : C’est la difficulté posée par la décision, le nœud qu’il va falloir traiter en répondant par un plan logique et en exploitant l’arrêt. Le mieux : forme affirmative.
 
Solution :C’est le résultat du raisonnement de la Cour de Cassation. Réponse à la question posée.
NB : Est-ce un arrêt de rejet, de cassation ? Identifiez-le !
Après avoir fait la fiche d’arrêt, l’introduction pourra être rédigée en reprenant les informations retenues. Il s’agira de commencer par le problème de droit, pour ensuite exposer les faits.
« Problème de droit (question posée à la Haute Juridiction)? », c’est à cette question qu’a dû répondre la Cour de Cassation dans un arrêt de rejet/de cassation du xxxxxxx.
En l’espèce, un vendeur qui xxxxx….
X assigne Y pour obtenir xxxxx, et sa demande est accueillie en première instance. Y interjette appel. La cour d’Appel rend un arrêt infirmatif, c’est pourquoi X se pourvoit en Cassation. … »
 
Il est alors possible de présenter les thèses des parties et les moyens invoqués (mentionnez le visa !). Réponse de la Cour de Cassation pour violation de la loi ou manque de base légale.
Il faut alors exposer les intérêts de la décision (au vu de la théorie générale, de la jurisprudence antérieure, des enjeux dans le domaine concerné…) qui conduiront à la présentation de la problématique. Vous pourrez alors annoncer le plan.
 
NB : Pour un commentaire conjoint, tâchez de mettre en commun le maximum d’informations, les arrêts n’ont pas été choisis au hasard, ils ont nécessairement des convergences ! Exploitez-les pour plus d’efficacité !
Pour le plan, il ne doit pas traiter d’une part l’arrêt n°1 dans un (I), suivi de l’arrêt n°2 dans un (II) ! Vous devez faire un plan d’idée et comparer les deux arrêts. Vous devez commenter et non pas disserter !
Collez à l’arrêt ! Il est proscrit d’envisager :                 (I)-Le cours  (II)-L’avis de la Cour de cassation
 
NB : Pour avoir plus de détails, consultez le manuel de Gilles GOUBEAUX et Philippe BIHR (SA2, 346 GOU), notamment à partir de la page 150.
 

LA TECHNIQUE DE CASSATION
Les cas d'ouverture principaux
 
 
D'après M.-N. JOBARD-BACHELIER et X. BACHELIER, La technique de cassation, 5° éd., Dalloz, 2003



1) La cassation pour violation de la loi       

C'est le cas d'ouverture le plus noble. Il permet à la Cour de cassation de censurer directement le non-respect de la règle de droit. C'est par la cassation pour violation de la loi que la Cour exprime le plus clairement sa pensée. C'est pourquoi la relative simplicité technique de ce cas d'ouverture n'appelle pas d'explication plus étendue.       
Des classifications sont possibles:
  • Fausse interprétation de la loi
  • Fausse qualification des faits
  • Fausse application ou refus d'application de la loi

2) La cassation pour défaut de base légale:

Il semble se présenter comme le plus mystérieux, par la banalité de sa dénomination et l'imprécision du contenu du grief. Le défaut de base légale constitue souvent la critique adressée à la décision dont on avait conscience de l'insuffisance sans pour autant parvenir à cerner quels griefs précis elle encourt. L'arrêt dépourvu de base légal serait l'arrêt juridiquement incorrect. Selon les circonstances, la cassation pour défaut de base légale a pour objet de censurer une décision qui a omis de caractériser une condition d'application de la loi par exemple. Il précise indirectement les caractéristiques essentielles de ces conditions.
Des classifications sont possibles:
  • Incertitude quant au fondement juridique
  • Absence de constatation d'une condition d'application de la loi
  • Insuffisance de recherche de tous les éléments de fait qui justifient l'application de la loi
 

Qu'est-ce qu'un arrêt de principe?         

L'arrêt de principe établit une règle générale. Elle  n'a pas seule vocation à s'appliquer à aux faits de l'espèce présentés à la Cour. La solution a une valeur importante puisqu'elle crée un précédent en jurisprudence. Il s'agit souvent d'un arrêt de cassation. Le principe dégagé par l'arrêt figure dans l'attendu de principe.
 
è DISPOSITIONS DU CODE CIVIL                                                                                                                                                                                 
Article 1101
Créé par Loi 1804-02-07 promulguée le 17 février 1804
Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose.
 
 
Article 1108
Créé par Loi 1804-02-07 promulguée le 17 février 1804
Quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une convention :
Le consentement de la partie qui s'oblige ;
Sa capacité de contracter ;
Un objet certain qui forme la matière de l'engagement ;
Une cause licite dans l'obligation.
 
 
Article 1583
Créé par Loi 1804-03-06 promulguée le 16 mars 1804
Elle [la vente] est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.
 
 
Article 1369-4
Quiconque propose, à titre professionnel, par voie électronique, la fourniture de biens ou la prestation de services, met à disposition les conditions contractuelles applicables d'une manière qui permette leur conservation et leur reproduction. Sans préjudice des conditions de validité mentionnées dans l'offre, son auteur reste engagé par elle tant qu'elle est accessible par voie électronique de son fait.
L'offre énonce en outre :
1° Les différentes étapes à suivre pour conclure le contrat par voie électronique ;
2° Les moyens techniques permettant à l'utilisateur, avant la conclusion du contrat, d'identifier les erreurs commises dans la saisie des données et de les corriger ;
3° Les langues proposées pour la conclusion du contrat ;
4° En cas d'archivage du contrat, les modalités de cet archivage par l'auteur de l'offre et les conditions d'accès au contrat archivé ;
5° Les moyens de consulter par voie électronique les règles professionnelles et commerciales auxquelles l'auteur de l'offre entend, le cas échéant, se soumettre.
 
Article 1369-5
Pour que le contrat soit valablement conclu, le destinataire de l'offre doit avoir eu la possibilité de vérifier le détail de sa commande et son prix total, et de corriger d'éventuelles erreurs, avant de confirmer celle-ci pour exprimer son acceptation.
L'auteur de l'offre doit accuser réception sans délai injustifié et par voie électronique de la commande qui lui a été ainsi adressée.
La commande, la confirmation de l'acceptation de l'offre et l'accusé de réception sont considérés comme reçus lorsque les parties auxquelles ils sont adressés peuvent y avoir accès.
 
Article 1738
Créé par Loi 1804-03-07 promulguée le 17 mars 1804
Si, à l'expiration des baux écrits, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par l'article relatif aux locations faites sans écrit.
 
Article L122-1
Il est interdit de refuser à un consommateur la vente d'un produit ou la prestation d'un service, sauf motif légitime, et de subordonner la vente d'un produit à l'achat d'une quantité imposée ou à l'achat concomitant d'un autre produit ou d'un autre service ainsi que de subordonner la prestation d'un service à celle d'un autre service ou à l'achat d'un produit dès lors que cette subordination constitue une pratique commerciale déloyale au sens de l'article L. 120-1.
 


èTHEORIE                                                                                                                          
Document - Le consentement en tant que rencontre des volontés
Extrait :            TERRE F., SIMEL P., LEQUETTE Y., Droit civil, Les obligations, Précis D., 2009, p. 120, 131 et s.
104.- Classiquement, le contrat est présenté comme le produit de la rencontre d’une offre et d’une acceptation. Une personne, le pollicitant, émet une offre de contracter qui est acceptée par le destinataire de celle-ci. En réalisant l’accord des volontés, l’acceptation donne naissance au contrat. Quand pollicitant et acceptant sont en présence l’un de l’autre, cet accord se réalise très simplement par l’émission quasi simultanée des volontés. Néanmoins, l’accomplissement d’une certaine formalité – rédaction d’un écrit, remise de la chose – est nécessaire à la perfection du contrat lorsque, dérogeant au principe du consensualisme, le Code confère à celui-ci un caractère formaliste. En pratique, ce schéma idéal est souvent perturbé par l’intrusion de facteurs de complication. (..) L’acceptation de l’offre entraînant la conclusion du contrat, le pollicitant perd, à cet instant, toute possibilité de la rétracter. (…) Mais qu’en est-il lorsque l’acceptation ne suit pas immédiatement l’offre ? Existant seule, l’offre doit-elle être maintenue par son auteur ou celui-ci peut-il la révoquer ? (…)
119.- (…) La théorie de l’avant-contrat a été avancée par Demolombe[1]. Lorsqu’un pollicitant émet une offre en précisant qu’il la maintiendra pendant un délai déterminée, une seconde offre s’ajoute à la première. Cette offre accessoire ne présentant que des avantages pour son destinataire, on peut présumer que celui-ci l’a tacitement acceptée. Un avant-contrat s’est ainsi formé qui oblige le pollicitant à maintenir son offre pendant la durée indiquée. Toujours selon cette doctrine, au cas où aucun délai n’aurait été stipulé, il faudrait néanmoins supposer de la part de son auteur, l’intention de laisser à son correspondant un temps de réflexion. D’où une offre implicite de délai qui, comme la première, serait implicitement acceptée. On a reproché à cette justification son artifice. De fait, si le silence du destinataire de l’offre peut valoir acceptation de celle-ci lorsqu’elle est faite à l’avantage exclusif de celui-ci, encore faut-il que le contrat qui en résulte ne soit pas une fiction. Aussi bien l’explication proposée par Demolombe illustre-t-elle à merveille les exagérations de la théorie de l’autonomie de la volonté.
(…) D’autres auteurs font appel aux principes de la responsabilité civile[2]. Le retrait de l’offre constituerait une faute d’où résulterait un préjudice pour le destinataire. (…) L’offre fait naître dans l’esprit du destinataire, spécialement lorsqu’elle est adressée à personne déterminée et assortie d’un délai, une attente légitime, l’espoir d’un contrat que déçoit son retrait prématuré.
(…) Rompant avec la tradition, quelques auteurs ont avancé une troisième explication fondée sur la théorie de l’engagement unilatéral de volonté. Les besoins, déjà relevés, de sécurité du commerce juridique conduirait la jurisprudence à considérer qu’en la matière, un engagement unilatéral peut être créateur d’obligation.
 
Document - Le silence ne vaut en principe pas acceptation
Extrait :            GHESTIN J. et DESCHE B., Traité des contrats, La vente, LGDJ, 1990, p. 131 et s.
119.- Le silence est un comportement purement passif. La tacite reconduction, par exemple dans les contrats de fournitures successives, bien qu’on la rattache généralement au silence exprime en réalité une volonté tacite. Elle suppose, en effet, la continuation de l’exécution du contrat qui est un acte positif. Le silence ne se matérialise pas par une attitude, il n’a aucune extériorité. Ainsi entendu le silence ne peut jamais valoir en tant qu’offre de vente. Celle-ci suppose, en effet, une initiative. La question est de savoir si l’acceptation d’une offre de vente peut résulter d’un comportement purement passif.
120.- Le silence ne vaut en principe pas acceptation. La Cour de cassation a posé le principe, le 25 mai 1870, que « le silence de celui qu’on prétend obligé ne peut suffire, en l’absence de toute autre circonstance, pour faire preuve contre lui de l’obligation alléguée ». […] Le vieux proverbe « qui ne dit mot consent » se voyait ainsi refuser toute valeur juridique. Ce principe a fait ensuite l’objet d’applications diverses. (…)
122.- Dans certaines circonstances exceptionnelles le silence peut être fautif, par son ambigüité, ou même avoir la signification objective d’une acceptation. Est-il possible d’admettre qu’une offre puisse être acceptée par le silence de son destinataire en dehors des situations où cet effet résulte de la loi ou des usages ? Pour justifier une telle solution on a fait état d’un abus de droit, le silence ayant provoqué un préjudice qu’une manifestation de volonté aurait permis d’éviter, ou d’une sanction de celui qui, ayant laissé se constituer une apparence, ne pourrait plus ensuite la dissiper sans incohérence. D’autres auteurs invoquent l’apparence trompeuse qui a été créée par le silence et dont il convient de protéger celui dont la confiance légitime a été trompée[3]. Il semble qu’il faille ici distinguer entre deux situations.
    Le silence du destinataire de l’offre peut avoir créé une équivoque qui a causé un préjudice à l’autre partie. Si le destinataire de l’offre a agi de mauvaise foi, il doit être condamné à réparer ce préjudice (…).
    En revanche lorsque les circonstances donnent au silence la signification objective d’une acceptation dépourvue d’équivoque, il constitue un moyen d’expression qui a valeur de consentement. Il en est ainsi, notamment, lorsque la répétition antérieure de contrats de même nature, conclus sans acceptation formellement exprimée, autorise l’auteur de l’offre à compter sur l’exécution à défaut d’un refus exprès (…).
 
Document ƒ - Abus du destinataire de l’offre : le silence prolongé
Extrait :            JOSSERAND L., De l’esprit des droits et de leur relativité, Théorie dite de l’abus de droit, D., 2006, n° 102, p. 143.
Abus commis dans les rapports des contractants entre eux. – Un de ces abus peut consister dans le silence prolongé qu’observe le destinataire de l’offre ; parfois, ce silence est interprété par le juge dans le sens d’une acceptation tacite à qui ne dit mot consent consent ; les relations précédemment établies entre les deux intéressés jouent un rôle décisif en pareille matière. On explique alors la formation du contrat en considérant que l’abstentionnisme abuse du droit au silence et qu’il engage de ce chef sa responsabilité ; la sanction en nature, adéquate à la faute commise et au préjudice causé, consiste dans la formation du contrat. Hors de là, l’abus existe parce que la volonté juridique été utilisée par l’une des parties en vue de faire tort à l’autre, et, généralement, dans le but plus lointain de réaliser un bénéfice injuste (…).
 
è NOTIONS_______                                                                                                                    
Document - La notion d’offre et la notion d’acceptation
Extrait :            MALAURIE P., AYNES L., STOFFEL-MUNCK P, Les obligations, 2009, p. 238 et s.
465. Pourparlers ; offre ; promesse. - On appelle parfois l’offre pollicitation. Elle est la proposition qu’il suffira que le sollicité accepte pour que le contrat soit conclu. Elle est plus qu’une invitation à entrer en pourparlers, moins qu’une promesse de contrat, même unilatérale. Ce qui la distingue d’une invitation à entrer en pourparlers est qu’elle est ferme (c’est-à-dire qu’elle ne réserve pas de possibilité de rétractation, au contraire de ce que l’on appelle parfois une offre sous réserve de confirmation) et précise (c’est-à-dire qu’elle comporte les éléments essentiels du contrat). Ainsi, nulle proposition de vente ou d’achat ne saurait constituer une offre de vente ou d’achat si elle n’indique la chose et le prix. La condition est suffisante ; il importe peu que l’offre n’ait pas fixé les modalités d’exécution du contrat, par exemple la date et le lieu du paiement du prix ; ce sont alors les règles légales qui s’appliquent, sauf s’il résulte des circonstances que les partenaires en avaient fait la condition de leur accord. L’offre se distingue d’une promesse de contrat en ce qu’elle est un acte unilatéral et n’est donc en elle-même l’objet d’aucune acceptation de son destinataire, tandis que la promesse de contrat constitue une convention. (…)
L’acceptation est l’agrément de l’offre ; elle présente les mêmes quatre caractères que l’offre : elle doit être éclairée, pure et simple, libre, et peut être expresse, tacite ou silencieuse.
472. Eclairée. - L’acceptation suppose la connaissance. Lorsqu’une personne accepte un contrat, a-t-elle accepté toutes les clauses, même exorbitantes du droit commun ?  Tout dépend des circonstances, mais la distinction suivante est généralement suivie : lorsque, lors de la conclusion du contrat, la clause figure dans un document contractuel, les tribunaux décident qu’en principe elle a été acceptée, sauf si elle est insolite et peu apparente, notamment dans les contrats d’adhésion. (…)
473. Pure et simple. - L’acceptation doit être pure et simple ; toute réponse différente de la pollicitation est une « contre-proposition », une offre nouvelle. Cette contre-proposition rend caduque l’offre initiale. Comme l’offre, l’acceptation doit porter sur les éléments essentiels du contrat. Mais une des parties peut avoir fait d’un élément ordinairement accessoire un élément essentiel.
 
Document - Interdiction du refus de vente au consommateur
Extrait :            Lamy Droit du Contrat Partie 1 - La phase de conclusion Titre 1 – Négociations Etude 105 - L'entrée en pourparlers Section 2 - L'entrée en pourparlers § 1 - Le refus d'entrer en pourparlers et, d'emblée, de conclure
105-31 - Interdiction du refus de vente au consommateur
L'article L. 122-1 du Code de la consommation interdit sous peine d'amende de « refuser à un consommateur la vente d'un produit ou la prestation d'un service, sauf motif légitime ». Cette disposition s'applique à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public.
Au titre des motifs légitimes pouvant justifier le refus figurent l'indisponibilité du produit ou l'insolvabilité du demandeur, ainsi que son comportement personnel (voir par exemple, CA Versailles, 7 mars 2003, RJDA 2003, no 657).
En revanche, les convictions personnelles ou religieuses de l'auteur du refus ne constituent pas une excuse valable (Cass. crim., 21 oct. 1998, no 97-80.981, Bull. crim., no 273, JCP E 1999, no 43, p. 1734, note Freund F., Rev. Lamy dr. aff. 1995, no 12, no 726, obs. Storrer P., refus par un pharmacien de délivrer des médicaments contraceptifs).
 
 
è CITATIONS ET OUTILS COMPLEMENTAIRES                                                                         
Citations et adages:
 
« Le doigt sur la bouche figure le silence. Au-delà du mystère qu'il représente, il est vertueux ou dolosif ou bien, plus simplement, fruit de la négligence. Il peine évidemment à trouver place dès lors qu'une manifestation de volonté est recherchée car, par définition, il est son antithèse. La volonté des parties, socle du contrat, se devant d'être protégée, le principe est que le silence ne peut valoir acceptation »[4].
 
 
                                                             « Qui ne dit mot consent »                                                                
 
 
« Consensus voluntatis est actus qui praesupponit actum intellectus
L’acte de volonté présuppose un acte intellectuel »
(Saint Thomas : Commentaire sur les sentences de P. Lombard, IV, 30, question 1)
 
 
« Ex nuda pollicitatione non nascitur actio 
De la pollicitation ne naît aucune action »
(Paul, Sentences, V, 2, 9)
 
 
« Expressa nocent non expressa non nocent 
Ce qui est exprimé nuit, ce qui est inexprimé ne nuit pas »
 
 
Jurisprudence :
 
Cour de Cassation, Chambre civile
Audience publique du 25 mai 1870                                                                                                       ANNULATION
 
 
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 
ANNULATION, sur le pourvoi du sieur Guilloux, d'un Arrêt rendu par la Cour impériale de Paris, le 18 janvier 1869, au profit de la « Société des raffineries nantaises et consorts ».
 
Du 25 Mai 1870.
 
LA COUR,
Ouï le rapport de M. le conseiller Emile Moreau ; les observations de Maître Mazeau, avocat du demandeur ; celles de MM. Bosviel et Godin, avocats des défendeurs, et les conclusions de M. l'avocat général Blanche ; après en avoir délibéré ;
 
Vu les articles 1101 et 1108 du Code Napoléon,
Attendu que l'arrêt attaqué, en condamnant le demandeur comme obligé par la souscription de vingt actions prises en son nom dans la « Société des raffineries nantaises », s'est uniquement fondé sur ce fait, que ledit demandeur avait laissé sans réponse la lettre par laquelle Robin et compagnie, chargés du placement des actions, lui avaient donné avis qu'il avait été porté sur la liste des souscripteurs et qu'ils avaient versé pour lui la somme exigée pour le premier versement sur le montant des actions ;
 
Attendu, en droit, que le silence de celui que l'on prétend obligé ne peut suffire, en l'absence de toute autre circonstance, pour faire preuve contre lui de l'obligation alléguée;
 
Attendu qu'en jugeant le contraire, l'arrêt attaqué a violé les dispositions ci-dessus visées du Code Napoléon :
Par ces motifs, CASSE,
Ainsi jugé et prononcé, Chambre civile.
 
 
Cour de cassation, 1re Chambre civile, audience publique du jeudi 4 juin 2009, pourvoi n° 08-14.481, Bull. civ. I, n° 113. Rejet.
 
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
 
Attendu que le 18 juillet 1990, le ministère de la défense a conclu avec la société Méridionale d'équipements sanitaires et sociaux (SOMES) une convention, pour une durée de 10 ans, par laquelle la SOMES, qui gérait une maison d'accueil pour handicapés physiques adultes, lui a concédé la jouissance de 8 places, avec réduction du prix de journée, pour des adultes handicapés ressortissant du ministère de la défense, contre le versement d'une somme de deux millions de francs ; que la société SOMES a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ; qu'un plan de cession au profit de la société Le Colombier, a été homologué par jugement du 15 mars 1996 du tribunal de commerce de Salon-de-Provence ; qu'en exécution de ce plan, la société Médica France (la société Médica), venant aux droits de la société Le Colombier, a acheté le fonds de commerce de la société SOMES, par acte authentique du 9 juin 1997, dont il ressort notamment qu'elle n'a pas décidé de continuer le marché litigieux mais émis toutes les réserves utiles à son sujet ; que l'administration a maintenu dans l'établissement les 8 personnes placées avec un prix de journée réduit et que la société Médica a continué de leur délivrer des prestations d'hébergement ; que la société Médica a assigné l'Etat devant les juridictions judiciaires pour obtenir sa condamnation à verser le complément de rémunération pour la poursuite des prestations d'hébergement ; que par jugement du 18 novembre 1999 le tribunal de grande instance d'Aix en Provence a accueilli cette demande ; que, par arrêt du 10 juin 2004, la cour d'appel d'Aix-en-Provence s'est déclarée incompétente et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir; que cet arrêt a été cassé (Civ.1, 28 novembre 2006, n° 04-18.256) ;
 
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
 
Attendu que la société Médica fait grief à l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 février 2008), rendu sur renvoi après cassation, de l'avoir déboutée de sa demande alors, selon le moyen :
 
1°/ que le seul fait, pour un nouveau prestataire de services, substitué à un précédent, dans le cadre d'un nouveau contrat d'hébergement d'adultes handicapés, de ne pas protester pendant quelques mois contre le payement d'un prix de journée réduit pour certains des pensionnaires - qu'il a évidemment dû garder - n'est pas de nature à caractériser un accord sur le maintien de ce prix, ni à lui interdire de solliciter que, dans le cadre du nouveau contrat, lui soit versé un prix de journée normal ; que la cour d'appel a violé les articles 1101, 1108 et 1134 du code civil ;
 
2°/ qu'il résulte des propres constatations des juges du fond que la réduction de tarif consentie par le prédécesseur à l'Etat avait été compensée par le versement d'une subvention en capital, et que la société Medica France, au contraire, n'avait nullement sollicité ni obtenu un tel avantage ; que cette circonstance loin de caractériser un accord tacite sur la reconduction des conditions tarifaires anciennes et indivisibles, excluait tout accord clair et non équivoque sur une telle reconduction ; que la cour d'appel a encore violé les textes précités ;
 
Mais attendu que si le silence ne vaut pas à lui seul acceptation, il n'en est pas de même lorsque les circonstances permettent de donner à ce silence la signification d'une acceptation ; que l'arrêt relève que lors de la reprise effective, le 1er mai 1996, la société Médica a conservé les pensionnaires sans demander de subvention particulière à l'Etat, que, dans ses dernières conclusions, elle avait écrit que la convention avait été tacitement reconduite par les parties, que la situation relative aux pensionnaires présents n'avait pas fait l'objet d'une nouvelle négociation et n'avait été contestée que près d'un an plus tard et que le commissaire à l'exécution du plan précisait que la société Médica était clairement avisée de la situation ; que la cour d'appel a pu déduire de ces circonstances que le nouveau contrat qui s'était formé entre la société Médica et l'Etat reprenait tacitement les conditions antérieures du prix de journée faute de contestation à ce sujet par le cessionnaire lors de la reprise effective et que la société Médica qui avait tacitement admis les conditions de prise en charge des pensionnaires présents relevant du ministère de la défense, avec prix de journée réduit, ne pouvait revenir sur cet engagement ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le moyen unique, pris en ses troisième et quatrième branches :
Attendu que ces griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Medica France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Medica France, la condamne à payer à l'agent judiciaire du Trésor la somme de 2 300 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juin deux mille neuf.
 
 
 


[1] Traité des contrats, t. I, n° 65 ; v. aussi Demogue, des contrats provisoires, Etudes H. Capitant, p. 159.
[2] Planiol et Ripert, t. VI, Obligations par Eismein, n° 132 ; Ripert et Boulanger, t. II, n° 334 ; Marty et Raynaud, n° 113. Ce système correspond à la conception traditionnelle exprimée par Pothier exprimée par Pothier qui faisait dériver l’obligation du pollicitant de cette règle d’équité que personne ne doit souffrir du fait d’un autre.
[3] V. not. LITTMANN, Le silence et la formation du contrat, th. Strasbourg, 1969, n° 155 et s. ; A. CHIREZ, De la confiance en droit contractuel, th. Nice, 1977, p. 398 et s., n° 303 et s.
[4] LABARTHE F., Silence-acceptation ou acceptation-sanction ?, Rec. D. 2009 p. 2137.

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